Présentation générale

Le peuple d’une démocratie (demos) n’est jamais figé : il se recompose sans cesse au gré des mouvements migratoires et des mécanismes d’inclusion ou d’exclusion dans la citoyenneté. L’accès à ou la perte de la citoyenneté redessine les frontières humaines de la communauté politique. Pour l’année 2020, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM 2022) décomptait 281 millions de migrants dans le monde, un chiffre inédit : deux fois plus qu’en 1990, trois fois plus qu’en 1970. Le projet DEMIG s’attache à analyser les effets de ces mobilités sur la citoyenneté et la démocratie. Inscrit en droit public et ouvert à l’interdisciplinarité (histoire, science politique, sociologie), il explore la manière dont l’immigration et l’émigration transforment la composition du « demos » et questionne la manière dont les démocraties définissent qui en fait partie.

 

Axes du projet


1. La formation du peuple par le mouvement des individus

Le projet cherche d’abord à analyser comment l’immigration et l’émigration façonnent la citoyenneté, à travers une analyse comparée. L’inclusion ou l’exclusion des individus repose sur deux grands couples de critères.

  • Appartenance / Résidence : les immigrés n’ont pas la nationalité (défaut d’appartenance) mais résident sur le territoire (résidence) ; les émigrés possèdent la nationalité (appartenance) mais vivent à l’étranger (défaut de résidence).
  • Temps / Culture : pour les immigrés, le temps de résidence ouvre la possibilité de la naturalisation, mais celle-ci dépend aussi de critères culturels (langue, valeurs, histoire). Pour les émigrés, le maintien de la citoyenneté dépend de la persistance de liens culturels, tandis qu’un éloignement prolongé dans le temps peut conduire à l’exclusion.

En comparant différents États, le projet vise à montrer comment ces critères se combinent pour tracer les frontières mouvantes du peuple démocratique.
 

2. L’évolution historique des représentations des migrants

Le deuxième objectif consiste à retracer comment les figures de l’immigré et de l’émigré ont été perçues et traitées au fil des siècles, via leur intégration ou leur exclusion du peuple démocratique. Il s’agit de déconstruire l’essentialisation de ces deux figures, et de dépasser une opposition simpliste entre émigrés privilégiés et immigrés précarisés.

En effet, cette opposition doit être nuancée pour deux raisons. La première est un renversement historique frappant : l’émigré fut longtemps considéré comme suspect tandis que l’immigré était accueilli, alors qu’aujourd’hui l’émigré est souvent valorisé et l’immigré soumis à des contrôles stricts. La seconde est que immigrés et émigrés font l’objet d’un ciblage commun : certains profils jugés « utiles » (scientifiques, entrepreneurs, étudiants, sportifs) bénéficient de politiques favorables, qu’ils soient immigrés ou émigrés, tandis que d’autres (pauvres, femmes, ressortissants du Sud global) sont exposés à l’exclusion ou à une citoyenneté affaiblie..

3. L’universalisation de la citoyenneté

Enfin, le projet examine le phénomène d’expansion de la citoyenneté. D’un côté, les nationaux établis à l’étranger voient leurs droits renforcés, avec la possibilité de voter depuis l’étranger et parfois d’élire leurs propres représentants. De l’autre, certains États expérimentent l’ouverture partielle des droits politiques aux étrangers résidant sur leur sol, même sans nationalité. Cette double dynamique interroge la relation entre nationalité et citoyenneté : faut-il nécessairement les coupler ? ou envisager au contraire une citoyenneté ouverte, fondée sur la résidence et la participation ? Le projet entend éclairer ces débats en comparant les expériences et les choix politiques de différents pays.